Par Maître GREBILLE-ROMAND

La garantie des vices cachés en droit routier

La garantie des vices cachés est une garantie légale, prévue à l’article 1641 du Code civil, qui bénéficie à l’acheteur pour une durée de 2 ans à compter de la découverte du vice et dans la limite de 20 ans après l’achat du véhicule. Son régime juridique est précisé par la jurisprudence qui est dernièrement venue éclaircir certains points en matière de preuve et de conditions d’utilisation de la garantie.

La 1ère chambre de la Cour d’appel de Nancy a rendu un arrêt le 4 septembre 2023 qui en rappelle les principes. En l’espèce, un véhicule d’occasion a été vendu entre particuliers mais, du fait de dysfonctionnements, l’acheteur a assigné le vendeur devant le Tribunal judiciaire de Val de Briey sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil.

Le Tribunal a condamné le vendeur à payer le prix de vente du véhicule et a ordonné la restitution de celui-ci en motivant que le véhicule avait roulé 705 kilomètres depuis l’achat et que les désordres, non-visibles par un particulier, étaient apparus trois jours après l’achat du véhicule. En revanche, la cause du dysfonctionnement n’a pas clairement été établie dès lors que le désamorçage du circuit de gasoil peut provenir « soit d’une prise d’air au niveau du filtre à gasoil ; soit d’une fuite interne au niveau de la pompe tandem ; soit d’un défaut d’étanchéité de la culasse » selon les rapports d’expertises réalisés.

Le vendeur a donc interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Nancy qui va juger que, pour se prévaloir de la garantie des vices cachés, l’acheteur doit apporter la preuve de quatre éléments : l’existence d’un vice ; que le vice soit caché au moment de la vente ; d’une gravité suffisante ; et antérieur à la vente. En l’espèce, le véhicule était en circulation depuis plus de 14 ans et avait effectué plus de 170 000 kilomètres. Ainsi, en l’absence d’indication précise de la cause du dysfonctionnement, il ne peut être retenu l’existence d’un vice caché. En effet, ces dysfonctionnements peuvent également résulter de l’usure normale du véhicule et aucun élément objectif provenant des rapports d’expertises ne permettent d’apporter la preuve d’un tel vice.

 

C’est par ces motifs que la Cour d’appel de Nancy a contredit le jugement de première instance en ce qu’il prononce la résolution de la vente du véhicule et en ce qu’il condamne le vendeur à verser à l’acheteur le prix de la vente. Ainsi, en matière de preuve, c’est l’acheteur qui doit démontrer l’existence d’un vice et non pas d’un défaut de conformité ou d’usure normale de la chose, surtout lorsque le véhicule est vendu d’occasion.

 

Dans un second arrêt du 13 juillet 2023, la Cour d’appel de Bordeaux s’intéresse aux conditions de la mise en œuvre de la garantie pour vice caché. Ici, un véhicule a été vendu pour 144 700 kilomètres au prix de 1900 € . L’acheteuse s’est ensuite plainte de divers dysfonctionnements et a mis en demeure la vendeuse de lui rembourser le prix du véhicule. Une expertise amiable a donc été réalisée et a relevé la présence d’une multitude d’anomalies.

La vendeuse a été assignée devant le Tribunal d’instance de Bordeaux en résolution de la vente sur le fondement de l’article 1641 du Code civil. Le jugement de première instance a débouté l’acheteuse de ses demandes en motivant qu’elle ne pouvait s’attendre à un véhicule en parfait état dès lors qu’il affiche plus de 140 000 kilomètres et qu’il a plus de 13 ans. Ainsi, le juge de premier ressort a considéré que la preuve d’un vice suffisamment grave n’était pas rapportée.

Or, la garantie pour vice caché correspond à la réunion de trois critères : le vice est caché ; antérieur à la vente ; et rend la chose impropre à sa destination. La gravité du vice n’est donc pas un critère prévu par l’article 1641 du Code civil. Mais en l’espèce, les anomalies relevées par le rapport d’expertise ne permettent pas de rapporter la preuve d’un défaut suffisant à rendre le véhicule impropre à sa destination et que ces défauts étaient antérieurs à la vente.

C’est sur ces éléments que la 1ère chambre de la Cour d’appel de Bordeaux a débouté l’acheteuse de ses demandes, notamment celle en résolution de la vente pour vice caché. Ainsi, la garantie pour vice caché ne peut être mise en œuvre dès lors que les conditions ne sont pas réunies.